COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU SYNDICAT NATIONAL DES PSYCHIATRES PRIVÉS (SNPP) 23 mars 2023

COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU

SYNDICAT NATIONAL DES PSYCHIATRES PRIVÉS (SNPP)

23 mars 2023

Pédopsychiatrie : les psychiatres de ville encore oubliés, et pourtant levier immédiatement disponible pour l’accès aux soins.

Le rapport de la Cour des Comptes publié le 22/03/2023 souligne la situation dramatique de la pédopsychiatrie : diminution des effectifs de pédopsychiatres, augmentation massive de la demande y compris des demandes graves et urgentes, en particulier suicidaires chez les adolescents.

Toutes les organisations professionnelles ont été auditionnées et ont alimenté ce constat de manière unanime.

Neuf recommandations en ressortent, proposant un état des lieux à approfondir, une formation initiale et continue des professionnels, une organisation administrative à revoir, des filières universitaires et de recherche à renforcer, des psychologues et des IPA à renforcer… Bref, les mêmes recommandations que tous les rapports sur la psychiatrie depuis 30 ans… dont on ne comprend pas quels bénéfices à court terme on pourrait en attendre.

Le rapport n’a pourtant pas ignoré l’existence de la pédopsychiatrie de ville qui reçoit 140 000 enfants et adolescents sur les 800 000 qui parviennent à accéder à des soins.

Mais quelle n’a pas été notre surprise de découvrir qu’aucune recommandation ne vient soutenir l’exercice en ville !

Rappelant que les psychiatres de ville ont les revenus parmi les plus bas des médecins spécialistes, malgré une durée d’études identique (10 ans désormais), le rapport « oublie » de préciser que tout est fait pour dissuader les psychiatres de recevoir des enfants, à commencer par la rémunération désincitative.

Dans la récente proposition de Convention médicale, Thomas Fatôme proposait une augmentation des honoraires des psychiatres, en échange d’une augmentation d’activité. Il avait donc bien en tête que la rémunération est un levier incitatif, ou pas, pour orienter une politique de santé publique. Mais les psychiatres de ville ont fermement refusé ce contrat conditionné à une perte de qualité des soins : en psychiatrie, le temps est indispensable et nous sommes bien placés pour savoir que la perte du sens du métier est le premier pas vers la démotivation professionnelle, voire le burn-out. Beaucoup ont quitté l’hôpital pour rester en accord avec leur conception du soin. On ne soigne pas en psychiatrie avec des rendez-vous courts et espacés dans le temps. L’appât du gain n’est pas un levier convaincant face à la perte du sens du métier. Mais la dévalorisation financière peut avoir raison d’une pratique médicale.

Or les consultations de pédopsychiatrie sont encore moins rémunératrices que les consultations de psychiatrie adulte, en raison d’une durée plus longue, sans compter le temps de travail administratif et de coordination avec différents intervenants paramédicaux et scolaires…. travail non rémunéré. Elles se font le plus souvent avec un temps pour l’enfant, et un temps avec les parents… pour des honoraires identiques à une consultation de psychiatrie adulte bien plus courte. Pour travailler en pédopsychiatrie en ville, il faut donc accepter de réduire ses revenus d’au moins 25%.

Au total, la pédopsychiatrie est le « parent pauvre » de la psychiatrie, elle-même « parent pauvre » de la médecine. Et on s’étonne que les psychiatres « compétents » en pédopsychiatrie soient 42,5 % de moins qu’en 2012 !

Et pourtant, les honoraires des psychiatres de ville ne représentent que 1% des dépenses publiques en pédopsychiatrie. Le rapport qualifie ce coût de « modeste ». La revalorisation n’y changerait rien dans les équilibres financiers.

Le Syndicat National des Psychiatres Privés rappelle :

      Qu’il existe un réseau de 6000 psychiatres de ville, dont une proportion significative est apte à recevoir des enfants et des adolescents[1]. Beaucoup le font, mais réduisent cette activité au minimum.

      Les valorisations MPF et MP applicables aux actes de pédopsychiatrie… ne compensent pas la durée de consultation plus longue, et surtout ne s’appliquent que jusqu’à 16 ans, alors que c’est précisément l’âge où le risque suicidaire augmente !

    Les psychiatres de ville ne courent pas après l’argent : en acceptant de diviser par 2 nos temps de consultations, nous doublerions nos revenus, en perdant l’âme de notre travail. Nous demandons simplement la rémunération de la réalité des actes pratiqués : une consultation avec l’enfant suivie d’une consultation avec la famille, sans perte de revenus

    La psychiatrie dans son ensemble souffre d’un défaut d’attractivité : des places restent disponibles chaque année pour les internes, c’est l’une des dernières spécialités choisies… et des moins rémunérées en exercice de ville.

Le SNPP appelle donc à trois mesures d’urgence, à intégrer dans le règlement arbitral en cours d’élaboration, puis dans la future Convention :

1.   Augmentation du CNPSY pour toute consultation psychiatrique à 60 €, valeur de l’acte établie par la proposition de Convention médicale 2023, 

2.   Autoriser la facturation des actes correspondant à la réalité des pratiques : un acte pour l’enfant + un acte pour la consultation parentale = 2 CNPSY pour les consultations en 2 temps. (Certaines CPAM départementales l’acceptent déjà).

3.   Valoriser les actes de pédopsychiatrie en remplaçant les cotations MPF et MP actuelles par un MP global égal à ½ CNPSY applicable jusqu’à 26 ans (puisque l’accès direct au psychiatre n’est justement possible que jusqu’à cet âge pour favoriser l’accès aux soins à ces âges critiques).

 

Ainsi la France pourrait proposer une tarification incitative à la hauteur de l’enjeu de santé publique… et à moindre coût :

          Coût équivalent pour la CPAM : 2 consultations adultes = 1 adulte + 1 enfant,

          ajout de ½ CNPSY pour la consultation enfant.

La Belgique, citée en exemple pour son organisation des soins, a franchi le pas d’une revalorisation franche des actes de pédopsychiatrie, et le SNPP est scandalisé que la Cour des Comptes ne cite cet exemple que pour l’organisation des soins, pas pour les revalorisations d’honoraires.

Selon les chiffres du rapport, le surcoût serait minime, et une large part des demandes pourrait ainsi immédiatement trouver des réponses avec des suivis de qualité pour une large part des demandes, soulageant ainsi le service public. Les économies induites par une meilleure santé mentale des enfants et des adolescents pendant leur neurodéveloppement seraient largement à la hauteur.

Au lieu de ça, la seule proposition concernant les psychiatres de ville au bord de l’épuisement, consiste à vouloir leur imposer de participer au service de gardes et astreintes le week-end. Faut-il les décourager ?

 

Pour le bureau de l’AFPEP-SNPP,

Dr Elie WINTER, secrétaire général adjoint


[1] En Ile-De-France en 2020, 57 % des psychiatres de ville ont reçu des mineurs de moins de 16 ans, mais ces actes n’ont représenté que 4 % de leur activité.

 

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