A propos de la maltraitance des internes…
Quelques dates : en 2017, Valérie Auslender écrit un livre « Omerta à l’hôpital » ;
En 2020, Amélie Jouault et Sara Eudeline soutiennent leurs thèses à la Sorbonne. Celles-ci ont permis de chiffrer, c’est à dire d’objectiver, ce que chacun sait confusément ou même connait de la maltraitance exercée sur les internes lors de certains stages : elles ont interrogé environ 2.200 internes en médecine générale, issus de 37 universités différentes, soit 20% des effectifs totaux :
– 99.3% des internes de médecine générale ont déjà dû faire face à au moins un type de violence, physique, psychique ou sexuelle
– 93,6 % déclarent avoir subi des violences psychologiques
– 53,5 % des violences sexuelles
“Au début nous pensions avoir une centaine de mails, continue Amélie Jouault, mais très vite nous avons été submergées par le nombre de répondant-es”.
Évidemment, nous rétorquera-t-on : il faut établir le lien de causalité entre ce qui est objectivé là et cette voie finale commune : le suicide.
Comment ne pas le faire ?
Comment continuer à dénier que l’éloignement familial et amical après le concours, la peur, l’angoisse, le manque de sommeil, les gardes, la violence de ce qui s’y vit, la chute de l’illusion de ce qui a animé le désir de devenir médecin, l’absence d’écoute, de soutien, d’aide d’un senior et même : la violence ajoutée d’un senior, l’humiliation privée, ou publique, voire le harcèlement, ainsi que l’impossibilité d’en dire quoi que ce soit puisque ce sont les mêmes qui valident, ou non, le stage, le diplôme, la thèse… comment continuer à dénier qu’il s’agit de causes pouvant amener un interne à se suicider.
Nous savons tous, nous avons chacun, assisté à ça.
Troubles « psy » personnels entent-on, il/elle n’allait déjà pas bien avant, encore…
Oui et alors ?
Il paraît même évident qu’il/elle ne pourrait guère aller mieux avec un tel environnement. Le vieux mythe du « plus résistant » qui résistera à ces « mises à l’épreuve » a la peau dure. Les internes n’aiment guère consulter, ou demander, car ce serait « ne plus en être », comme au sein de ces familles où dire consiste à risquer l’exclusion.
Alors oui ! Il faut dire. Et même il faut aider à penser, à réfléchir ! Il est urgent de gagner du temps.
31% d’entre eux rapportent avoir des idées suicidaires.
L’omerta doit cesser. Les médiations internes doivent trouver des interlocuteurs externes, des recours possibles doivent être élaborés.
D’une part et individuellement, nos cabinets en libéral sont ouverts à nos consœurs et confrères internes, pour leur permettre de trouver un lieu ailleurs, différencié de l’hôpital, hors des enjeux de validation de stage, d’écoute, de compréhension, de pensée.
D’autre part, collectivement, l’AFPEP-SNPP soutiendra ces médecins en devenir, aux côtés de leurs syndicats représentatifs, auprès des différentes instances, dans un travail en commun de réflexion et d’action !