Plaidoyer pour une psychiatrie retrouvée.
La réactualisation en cours de l’annexe 32 qui régit les missions des CMPP nous donne l’occasion d’exprimer notre inquiétude et une nouvelle fois notre indignation devant le bilan catastrophique des réformes en cours depuis près de 40 ans concernant la médecine, la psychiatrie et notamment la pédopsychiatrie.
Chaque étape du processus a été une destruction supplémentaire du tissu de soin, en particulier concernant le secteur public. Nous le répétons depuis des années mais sans doute ne sommes-nous pas entendus parce que nous serions délégitimés et victimes d’une logique clanique ? Nous serions du mauvais côté, idéologues, inécoutables. C’est une technique juridique nord-américaine : si on ne peut détruire l’argumentaire de l’adversaire, on tente de le délégitimer afin que ses dires ne soient même pas pris en compte. C’est exactement ce qui est appliqué.
À chaque entrevue, nous savons d’avance ce que va nous dire le ministère, nous savons d’avance que nous aurons affaire à de très jeunes fonctionnaires qui ne connaissent pas les dossiers et qui seront mutés dès qu’ils le découvriront un tant soit peu, nous savons d’avance que nous sommes considérés comme des dogmatiques infiltrés par la psychanalyse et que toute discussion est à leurs yeux une perte de temps. La politesse y est de pure forme, voire un lointain souvenir.
Mais il y a du nouveau.
-Notre Président réélu a souligné l’importance des corps intermédiaires, des syndicats et celle de leur incidence sur les débats à venir. Il faudra le rappeler à qui de droit.
-Il est clair, devant l’ampleur du désastre, que les cabinets de conseil ultra-libéraux sont non seulement de mauvais conseil mais d’un acharnement aveugle. C’est toute la philosophie des réformes qu’il faut revoir, la santé d’une population devant être comptabilisée du côté d’une richesse et non d’un coût.
-Les réformes en discussion à l’Assemblée Nationales vont être l’objet d’un questionnement politique et non plus uniquement technique et aucune réforme concernant les soins, sous peine de raréfaction encore plus grave des soignants, ne pourra se faire sans leur collaboration.
-L’urgence climatique est le paradigme du caractère collectif des nouvelles nécessités politiques à adopter. Un travail d’élaboration partagée est à engager. Rien ne pourra se faire sans un large assentiment. Il convient donc d’endiguer toute forme de clivage qui pourraient ralentir voire anéantir la nécessaire action à mener.
Un point important à souligner : l’échec de l’État républicain est montré du doigt alors qu’il a justement été empêché d’agir en tant que tel. C’est bien parce que les principes républicains ont été ignorés dans cette affaire qu’il y a eu de telles dérives.
La psychiatrie s’est développée, surtout à partir des années 1880, dans le cadre d’une lutte acharnée contre l’Église et les monarchistes, intégrant la notion de psychothérapie, de libération d’entraves, d’une description attentive puis nosographique de la symptomatologie. Débarrassée des superstitions, possessions et sorcellerie, libérée de la prédominance des théories dégénératives royalistes, la pensée psychiatrique a pu se développer, en collaboration avec l’État, dans le même élan républicain que celui de la laïcité qui reste un modèle inégalé.
Une des conditions nécessaires de cette collaboration est que l’État n’a pas à énoncer ou faire énoncer la science. Il doit en revanche s’assurer que les conditions de la confiance dans les soins soient réunies, en étant garant et des sources d’information et de la crédibilité des études pratiquées malgré le marketing, les lobbies ou les conflits d’intérêts. Il se doit donc de défendre jalousement les principes républicains en jeu dans un domaine aussi stratégique.
Ainsi, aucun cabinet de conseil ne devrait préconiser une philosophie du soin. Les convictions religieuses et idéologiques de chacun n’ont pas à envenimer l’espace commun surtout si tout débat démocratique est écarté. C’est un passage en force.
Soignants et administratifs, œuvrant de concert à la qualité et à la permanence des soins, n’ont pas à se retrouver opposés, les institutions qu’ils constituent se trouvant devant la nécessité d’avancer dans un sens commun et ce pour le bien du patient.
Il revient aux différents protagonistes, pour leur part, d’articuler leur mission. L’objectif est non seulement que chacun retrouve ses prérogatives mais aussi d’être attentif aux clivages et à leurs ressorts, à identifier les agressions idéologiques. Tout ce qui nous engage dans une logique clanique est à éviter.
Si le but recherché par chacun n’est plus le même, le soin, d’un côté, les restrictions budgétaires ou idéologiques indépendantes du soin de l’autre, alors se met en place ce clivage dévoilant une attaque caractérisée du projet commun. Retrouver une collaboration entre soignants et administratifs serait le signe, « l’indicateur » que les choses ne fonctionnent plus à l’envers, que le soin n’est plus une cible.
La situation actuelle de la démographie des psychiatres, en baisse prévisible pour quelques années, ne doit pas être prétexte à entériner une disparition de la pensée psychiatrique, indépendante de la psychologie et de la neurologie. L’indépendance professionnelle des psychiatres est garante de la qualité des soins.
AFPEP-SNPP
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