La Fondation FondaMental développe son réseau de « centres experts » sur toute la France, avec l’espoir d’en faire la porte d’entrée des soins psychiatriques. Pourtant, la pratique clinique (tant libérale qu’hospitalière) peine à trouver un intérêt à ces centres spécialisés en bipolarité ou en autisme d’Asperger. Délais d’attente très longs, dossier à remplir qui intègre déjà toute la démarche diagnostique et qui amène donc à ce que la réponse attendue est déjà dans la question. Projets thérapeutiques trop théoriques et peu adapté au cas particulier du patient concerné… malgré la revendication d’une psychiatrie de précision.
Alors pourquoi ce projet de loi qui les inscrirait dans le code de santé publique ? L’analyse au vitriol de François Gonon et Bruno Falissard est édifiante : le chiffre avancé de 50% de réduction des journées d’hospitalisation un an après passage dans un centre expert n’a aucune validité scientifique (et on ne le retrouve pas dans nos pratiques). Les économies vantées de 18 milliards d’euros sont totalement fantaisistes.
Non à l’intégration des centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.
S’il s’agit de restaurer la Psychiatrie à l’occasion de la déclaration de la santé mentale comme « Grande cause nationale », alors il convient de s’opposer à la vampirisation du soin par l’illusoire « psychiatrie de précision » et son corrélat, les centres experts. L’urgence est non seulement de réinvestir convenablement les structures affaiblies qui, elles, dispensent du soin, mais aussi, et peut être surtout, d’arrêter la politique qui a mené à cet affaiblissement.
Ministres de la santé après ministres de la santé, une bureaucratie s’est maintenue et a pu, comme à « l’abri des processus démocratiques », poursuivre une politique de soin fondée sur les slogans, dont le caractère délétère se confirme année après année.
A quoi bon faire mine de se plaindre de la situation si c’est pour en encourager les tenants et les aboutissants ?
Il y a des principes de politique de santé qui sont à l’origine de cette situation et des acteurs qui les ont endossés. La première chose à faire est donc de s’en prémunir en changeant d’orientation, en faisant confiance au processus démocratique mais aussi en priant les responsables de tout niveau de cet état de fait d’en assumer les conséquences.
La demande d’intégration des centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique est dans ce cadre un acte qui va aggraver le sentiment de mépris dont est victime la profession, et enfermer soignants et malades encore un peu plus dans une politique inadéquate.
Il n’existe pas de preuve solide de l’intérêt de ces centres, qui ont été initiés par la « Fondation FondaMental », dont la stratégie relève plus d’une séduisante campagne de communication que d’une démarche médico-scientifique, et ce au mépris du bien public….
Les psychiatres sont unanimes à penser que le diagnostic fait partie intégrante du processus de soin et non d’un canal de constitution d’une clientèle captive par des acteurs qui seraient des « obligés ». Les psychiatres ont une indépendance professionnelle qui constitue une garantie éthique à l’égard des patients. Le diagnostic psychiatrique est un acte médical, du ressort d’un praticien dument formé à cet égard et qui proposera en âme et conscience une thérapeutique et un suivi.
Les psychiatres écoutent avec la distance circonstanciée requise les sirènes qui chantent les louanges d’une psychiatrie dite de précision dont les éléments de preuve restent à établir. En attendant que soit fait le tri nécessaire, qu’on les laisse travailler, nos compatriotes en ont besoin.
Dr Patrice Charbit, président d’honneur de l’AFPEP-SNPP