Paris, le 20 Juillet 2014
La Ministre de la santé a présenté les grands axes du projet de loi de santé qui sera proposé en septembre et examiné à l’Assemblée Nationale début 2015. Un volet psychiatrique plus spécifique serait à l’étude et l’occasion d’une attention soutenue.
Dans ce contexte, l’AFPEP-SNPP est soucieux de souligner ses positions et reste à la disposition de la Ministre pour lui exprimer son sentiment.
Deux éléments rendus publics, le rapport présenté par Denys Robiliard et les déclarations concernant la généralisation du tiers payant, peuvent d’ores et déjà être discutés.
Le « rapport Robiliard » apparaît comme une bonne introduction à la discussion d’un projet de loi. Il insiste notamment sur la spécificité de la psychiatrie, souligne son incidence, met l’accent sur la notion de « secteur ».
Ce rapport soulève cependant de nombreuses questions. Il reste à préciser ce que recouvre exactement pour le gouvernement la notion de secteur, à distinguer la fonction d’expertise du psychiatre de sa vocation clinique, à organiser l’accès aux soins notamment en premier recours, à consulter les internes en psychiatrie, à préparer les bases d’une recherche diversifiée, à interroger les fondements des soins sans consentement ou de contention. La politique de soins en psychiatrie est un dossier complexe et nous remercions le député Robiliard d’avoir su le mesurer.
Concernant la généralisation du tiers payant, l’AFPEP-SNPP ne peut qu’exprimer ses réserves.
Cela donnera lieu sans nul doute à une inflation du nombre de consultations et ne résout en rien les vraies causes des difficultés d’accès aux soins que sont notamment les aléas de la démographie médicale et d’aménagement du territoire.
L’expérience montre que, concernant les précaires, bénéficiant déjà du tiers payant, l’accès aux soins est limité non pas par le mode de paiement mais par leur difficulté à prendre un rendez-vous. La question se pose donc du côté de l’accompagnement des personnes, de la lutte contre l’exclusion.
L’AFPEP-SNPP souligne :
- Que le renoncement aux soins pour motif financier est évalué par l’IRDES en 2008 à 15 % de la population adulte sur une année, mais concerne avant tout les soins dentaires (10%) ou l’optique (4%) notoirement mal remboursés par la sécurité sociale, alors que le renoncement aux consultations médicales ne concerne que 3% des personnes interrogées (tous motifs de consultation confondus). Le tiers-payant généralisé, s’il avait le moindre intérêt pour favoriser l’accès aux soins, ne concernerait dès lors qu’une marge du problème sans résoudre les cas les plus fréquents de renoncement aux soins pour motif financier.
- Que les bénéficiaires de la CMU ou du RSA sont ceux qui renoncent le plus aux soins alors que ce sont ceux qui bénéficient déjà du tiers-payant !
- Que bien souvent, les médecins libéraux attendent volontiers que le patient soit remboursé pour encaisser leur chèque afin de faciliter l’accès aux soins des plus démunis, ou pratiquent déjà le tiers-payant facultatif.
- Que les médecins libéraux favorisent l’accès aux soins grâce à leurs horaires d’ouverture tard le soir, et les visites à domicile.
- Que les niveaux des honoraires des médecins français sont bien inférieurs à la moyenne européenne, favorisant là aussi l’accès aux soins.
- Que l’expérience du tiers-payant pour les bénéficiaires de la CMU nous montre que les honoraires sont très souvent versés de manière incomplète obligeant le médecin à passer du temps téléphonique avec l’administration pour faire rectifier les erreurs de celle-ci… au détriment du temps passé avec les patients.
- Mais surtout, que le paiement direct, du patient au médecin, met la parole du patient au premier plan concernant le libre choix du praticien, du traitement, de l’ensemble de la prise en charge médicale, tout en lui permettant d’être ensuite remboursé par la solidarité nationale. Le médecin évalue ensuite ces demandes pour prendre ses décisions, conscient des enjeux de santé public, de la gestion des dépenses publiques, etc… Le tiers-payant généralisé induira une perte dans l’individualisation des soins pour tous les patients dont la parole sera ainsi soumise à l’appréciation des assurances privées et des mutuelles, pour un avantage très accessoire pour la plupart (une avance de frais de quelques jours !). C’est la sécurité sociale, les mutuelles et l’assurance privée qui décideront progressivement des pressions à mettre sur les médecins pour « guider » leurs pratiques : durée des arrêts de travail, génériques, médicaments dits « de confort », priorité à telle ou telle pathologie, campagne de vaccinations…
Le SNPP s’opposera à l’abandon de la solidarité nationale au profit d’une rentabilité assurantielle. Généraliser le tiers payant c’est proposer une illusion de réponse aux vrais problèmes d’accès aux soins, pour obliger tous nos concitoyens à souscrire à une assurance privée, souscrire sur ses deniers à une échelle de soins, passer d’une logique de solidarité à celle de services, qui aboutira à une médecine selon ses moyens et non selon ses besoins. La perte d’indépendance professionnelle du médecin au profit « d’impératifs » assurantiels est une proposition de changement de paradigme de l’exercice de la médecine.
La généralisation du tiers payant, loin de faciliter l’accès aux soins, serait l’instrument supplémentaire d’une médecine à plusieurs vitesses.
L’AFPEP-SNPP insiste sur le fait qu’une telle réforme serait un tournant majeur de l’évolution de la solidarité nationale dont la base doit rester notre « Sécurité Sociale », un tournant majeur de la liberté d’exercice du médecin
Pendant ce temps, de nouvelles normes draconiennes d’accessibilité des cabinets médicaux aux personnes handicapées vont dissuader les nouvelles installations de médecins libéraux de proximité… et réduire là aussi l’accès aux soins de la plupart pour aider hypothétiquement des personnes à mobilité réduite à venir chez leur médecin qui jusqu’à maintenant se déplace en visite à domicile.
Le Président de l’AFPEP-SNPP
Dr Patrice Charbit
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